Entretien avec Eric Julien & Jean-Eric Peugeot
AML Systems : Expertise et une vision à long terme dans le domaine des actionneurs.
Il y a plus de 25 ans, Valeo a fait l’acquisition d’une société spécialisée dans la fabrication d’actionneurs, afin de développer ses premiers correcteurs de phares. A l’époque, on pensait que les correcteurs deviendraient obligatoires en Europe. Petit à petit, l’évolution des divers correcteurs a ouvert la voie au développement de produits plus complexes, tels que les fonctions DBL et les actionneurs Bi-fonction, Tri-fonction ou Multifonction.
Il y a huit ans, l’entreprise a commencé à diversifier sa base de clientèle, en commercialisant des actionneurs auprès des concurrents de Valeo Lighting. L’appartenance au groupe Valeo devient alors un obstacle, qui empêche la société de devenir un fournisseur clé auprès des autres équipementiers spécialistes de l’éclairage. Les équipes de l’unité actionneurs du groupe Valeo étaient considérées, à juste titre, comme étant des concurrents.
Enfin, face aux grands défis liés au développement de l’éclairage LED en face avant, Valeo a fait le choix de donner son indépendance à AML, lui laissant la possibilité de se concentrer sur l’innovation et se développer en dehors du groupe. La cession et l’établissement d’AML Systems en tant que société autonome a eu lieu le 1er juillet 2010.
DVN a rencontré le PDG, Eric Julien, et le vice-président, Jean-Eric Peugeot.
DVN : Que faisiez-vous avant de prendre la direction d’AML ?
Eric Julien : J’ai travaillé dans le secteur des actionneurs pendant près de 25 ans, un peu partout dans le monde, avant de rentrer en France il y a 5 ans, pour prendre la direction d’AML Systems et développer son activité à l’internationale.
DVN : Quel est le bilan, 2 ans après le lancement de la nouvelle entreprise ?
E.J. : Toutes nos attentes ont été satisfaites, avec un plan de développement largement atteint et une intensification de nos efforts dans le domaine de l’innovation, ce qui nous permet d’envisager un avenir prometteur.
L’un de nos premiers objectifs était de développer davantage notre capacité d’innover. Et nous avons pu la démontrer, lors du dernier Workshop DVN, avec les concepts tels que notre proposition de points lumineux mobiles facilement intégrés, ou bien l’actionneur sans moteur.
DVN : Quelles sont les perspectives pour les correcteurs et les lave-projecteurs pour l’industrie automobile ?
E.J. : Les correcteurs, les systèmes de lave-projecteurs et les actionneurs complexes, vont devoir évoluer pour répondre aux attentes du marché. Notre entreprise doit s’adapter à ces évolutions rapides, mais en même temps conserver les valeurs fortes qui ont contribué à son succès : qualité, coût, innovation. La réponse sera de proposer, à un prix raisonnable, des solutions qui répondent aux besoins spécifiques de chaque marché. Le marché indien, par exemple, est complètement différent des marchés chinois, américain ou européen.
DVN : Vous êtes aussi implanté dans les pays à faible coût. Quel est le bilan par rapport à vos installations en France ?
E.J. : Notre valeur de base, très appréciée des OEM japonais qui nous rendent visite, s’appuie sur une approche « Kaizen » (philosophie de l’amélioration continue), de la conception à la fabrication, la standardisation et une culture « Lean ». Le résultat est un contenu en main-d’œuvre faible, ce qui permet à notre site en France d’exporter 80 % de sa production.
Cette stratégie efficace a été approuvée récemment par le Président français, François Hollande. Il a cité AML Systems comme étant un exemple de meilleures pratiques, qui pourrait servir d’inspiration à d’autres sociétés françaises.
DVN: Quels sont vos principaux clients ? Quels genres de rapports entretenez-vous avec eux ?
Jean-Eric Peugeot : Nous avons deux types de client : des constructeurs en directs pour notre activité de lave-projecteurs et des équipementiers de rang 1 pour notre activité correction et actionneurs complexes.
Aujourd’hui, nous avons la chance de travailler avec les principaux acteurs dans le secteur de l’éclairage.
En ce qui concerne les lave-projecteurs, notre activité affiche une forte croissance en Europe et, ce qui est plus surprenant, aux États-Unis avec les constructeurs américains. Favoriser des systèmes à faible consommation, qui assurent un nettoyage efficace, est sans doute la clé de notre succès.
Nous proposons à nos clients un partenariat basé sur l’expertise et sur une vision à long terme, ce qui nous permet d’agir en tant que fournisseur-développeur, capable de travailler à partir d’exigences fonctionnelles. À mon avis, cette approche est indispensable pour pouvoir entamer sereinement des discussions sur la collaboration ou l’innovation.
DVN: Votre activité se développe de manière régulière. Quels sont vos principaux atouts ?
J.E.P. : C’est exact. Et cette croissance régulière est le résultat d’une augmentation de l’ordre de 5 % de notre chiffre d’affaires provenant de Valeo, et de 40 % provenant des autres principaux acteurs dans l’industrie de l’éclairage.
Depuis plusieurs années déjà, AML Systems se concentre sur la croissance internationale, ce qui est désormais une des ses forces. Nous avons acquis une connaissance approfondie des clients partout dans le monde, ce qui nous permet d’accéder aux marchés internationaux, notamment à travers notre site en Chine, qui est capable d'amener des solutions pour les projets de nos clients en Asie.
DVN : Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ? Quels sont vos principaux atouts ?
J.E.P. : Notre autonomie et plus de 20 ans d’expérience dans l’industrie de l’éclairage automobile.
En bref, nous occupons une position unique sur le marché. AML Systems est la seule entreprise indépendante dotée d’une solide expertise dans le développement et la fabrication des actionneurs, et de plus de 20 ans d’expérience dans l’éclairage. Nos équipes sont spécialisées dans les actionneurs, mais aussi dans l’ingénierie des projecteurs. De manière générale, grâce à ces compétences, nous sommes capables de fournir à nos clients des solutions efficaces et adaptées.
DVN : Comment convaincrent les constructeurs et les conducteurs de l’importance des correcteurs de phares et lave-projecteurs ?
J.E.P. : C’est un défi. Auparavant, toute la communication était maîtrisée et centralisée par Valeo, et la communication directe n’était pas autorisée.
Aujourd’hui la situation n’est plus la même, et nous voulons partager notre vision et nos idées de manière plus dynamique.
Nous avons identifié deux axes majeurs. Le premier est de contribuer à la réflexion et aux discussions sur l’éclairage, avec notamment l’accès au GTB ou des partenariats avec les universités. Le second est d’améliorer la visibilité de nos produits et de nos innovations, en participant aux excellents ateliers et congrès organisés par DVN, et d'y présenter des prototypes convaincants.
DVN: Des correcteurs de phares, manuels ou automatiques, sont obligatoires dans la plupart des pays (règlementation UN). A votre avis, cette réglementation sera-t-elle introduite aux US par les autorités nationales (NHTSA) ?
J.E.P. : Oui. Nous pensons qu’avec les progrès technologiques très rapides qui sont intervenus et l’amélioration des performances dans l’éclairage aux États-Unis, l’éblouissement va devenir un sujet de plus en plus sensible. Certains constructeurs proposent déjà la correction sur les véhicules susceptibles de transporter des chargements lourds ou de tracter des remorques. L’objectif est de permettre l’ajustement du faisceau, afin de compenser l’inclinaison du véhicule, et de maintenir le faisceau sur la route, afin d’éviter tout éblouissement pour les véhicules venant en sens inverse.
Nous pensons également qu’une solution adaptée au marché américain doit prendre en compte les attentes et les besoins locaux. Il ne s’agit pas simplement de transférer des solutions qui existent déjà en Europe, mais de s’adapter. Nous envisageons une solution automatique statique, optimisée et compétitive en termes de coût, telle que la proposition dévoilée par AML Systems à l’occasion du Workshop DVN de janvier dernier dans le Michigan.